RÉVOLUTION FRANÇAISE (GUERRES DE LA)

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RÉVOLUTION FRANÇAISE GUERRES DE LA

À la fin de 1791, la France marche à la guerre, chaque parti croyant y trouver son intérêt. La Cour espère que la guerre ruinera la Révolution et rétablira le pouvoir monarchique: la guerre est le seul moyen de provoquer l’intervention des princes étrangers, et la France en pleine convulsion ne paraît pas capable de soutenir «une demi-campagne».

Le ministère «brissotin» veut, par la guerre, obliger les contre-révolutionnaires à se démasquer et contraindre le roi à prendre position. Mais déjà perce aussi le sentiment national, et l’identification de la liberté et de la patrie. Les brissotins se dressent contre l’Autriche, symbole de l’Ancien Régime; on parle d’une «guerre des peuples contre les rois», d’une «croisade de liberté universelle» qui permettra de libérer les peuples asservis, mais ce qui domine encore, c’est le désir de consommer la Révolution.

Pendant trois mois, Robespierre s’efforce de lutter, presque seul, contre ce courant belliqueux: il s’agit bien, selon lui, de consommer la révolution, mais il faut remettre de l’ordre à l’intérieur avant de songer à porter la révolution et la liberté à l’extérieur. Il signale tous les risques que l’on courrait à entreprendre une guerre sans l’avoir préparée, sans être en état de la mener et conclut, avec une prescience assez étonnante, qu’en cas de victoire, la liberté peut encore sombrer sous les coups d’un général audacieux...

Mais le courant girondin est le plus fort, et le 20 avril 1792, sur proposition de Louis XVI, l’Assemblée déclare la guerre au roi de Hongrie et de Bohême.

C’est après le manifeste de Brunswick que liberté, république et patrie parurent indissolublement liées: cette déclaration menaçante, où l’on promettait la peine de mort à tout garde national et à tout habitant qui se défendrait contre l’envahisseur, où l’on prédisait à Paris «une exécution militaire et une subversion totale» au cas où il serait fait le moindre mal à la famille royale, eut l’effet inverse de celui qu’on escomptait. Au lieu d’effrayer la population parisienne, il la surexcite; connu à Paris le 1er août 1792, il ne précède que de quelques jours la chute de la monarchie, le 10 août.

La nature de la guerre est complètement transformée: il ne s’agit plus d’une guerre de prince à prince, pour la conquête de quelque province. C’est bien une guerre politique, dont le caractère paraîtra encore plus évident avec la formation de la première coalition. Il s’agit de la guerre annoncée par les Girondins, la guerre des rois et des princes contre la liberté.

C’est dans cette perspective que la bataille de Valmy (20 sept. 1792) prend toute sa signification. L’armée des sans-culottes avait tenu bon et arrêté les forces de l’invasion. Cette victoire eut un retentissement immense, sans commune mesure avec son importance stratégique. L’exécution du roi le 21 janvier 1793 accentue encore le caractère nouveau de la lutte entre la France et l’Europe. La Convention a coupé les ponts derrière elle, la seule alternative qui reste est la liberté ou la mort.

Dans le début de l’année 1793, la situation se dégrade très rapidement; partout vaincues, les armées révolutionnaires reculent. Le sursaut national qui se produit alors pour la défense de la liberté et de la patrie aboutit, le 23 août 1793, à la «levée en masse» de tous les hommes en état de marcher et de porter les armes. Si la levée en masse ne fut jamais réalisée, telle que l’auraient voulu les journalistes extrémistes, qui l’interprétaient au sens propre, le terme correspond bien à l’effort qui fut demandé à l’ensemble de la nation: la défense nationale devait tout primer jusqu’à la paix. C’est par la défense nationale qu’on entend justifier toutes les mesures les plus extrêmes, les réquisitions, la faim, la terreur.

Le gouvernement révolutionnaire consacre toute son énergie à l’armée: «La révolution est la guerre de la liberté contre ses ennemis» (Robespierre). Ce qui est le plus remarquable, c’est le progrès de l’«esprit républicain» chez les soldats de l’an II. Il s’agit bien d’une armée révolutionnaire, combattant pour la fin des privilèges, l’abolition de la féodalité, la disparition du despotisme. Identifiant République, Nation et Liberté, les armées de la République tirent de leurs convictions un ressort moral considérable qui explique leur succès et la transformation de la guerre défensive en guerre de propagande et de libération des peuples de l’Europe. Les armées ont rempli le programme tracé par les députés girondins. Quand la France cessera d’être concernée par la guerre reportée à l’extérieur de ses frontières, quand la France se détachera peu à peu de la Révolution, l’armée restera la seule force attachée au maintien des conquêtes révolutionnaires.

Les guerres de la Révolution, avec leur double aspect de défense du sol de la patrie et de libération des peuples opprimés, constituent une des pages les plus glorieuses de la Révolution, à laquelle même les historiens les plus contre-révolutionnaires n’ont pu manquer de rendre hommage.

«À guerre nouvelle, doctrine nouvelle» pensaient les révolutionnaires. Saint-Just déclarera: «L’art militaire de la monarchie ne nous convient plus. Si la nation française est pressée dans cette guerre par toutes les passions fortes et généreuses, l’amour de la liberté, la haine des tyrans et de l’oppression; si au contraire ses ennemis sont des esclaves mercenaires, automates sans passions, le système de guerre des armées françaises doit être l’ordre du choc.»

Qui dit choc dit masse et impulsion, c’est-à-dire enthousiasme et volonté de monter à l’assaut, au besoin à l’arme blanche (la pique fut remise à l’honneur par Carnot) et sans manœuvres préparatoires compliquées. Y avait-il rupture avec les procédés tactiques préconisés avant 1792? Moins que ne l’affirme Saint-Just. Les règlements tactiques, rédigés sous l’influence de Guibert, en vigueur à la fin de l’Ancien Régime, avaient cédé la place à la colonne — et non plus seulement aux opérations en ligne — et aussi aux tirailleurs et aux feux de billebaude. Des combats comme Jemmapes (1792) débutent par un déploiement en ligne, puis des bataillons se constituent en colonnes pour attaquer. Mais, les années passant, on s’apercevra que le feu tue et qu’il y faut obvier par une plus grande rapidité dans les déplacements et une moins grande concentration sous le feu: ainsi, à partir de 1795, on retrouve des manœuvres en colonnes serrées qui se déploient en ligne quand elles arrivent à portée des armes adverses.

Quant à la stratégie révolutionnaire, déjà en germe dans Guibert, elle s’exprime à travers les ordres de Carnot aux commandants d’armées. Il y prescrit la recherche de la bataille décisive, grâce à la réunion des forces en un point, la concentration des efforts. Agir offensivement et en masse, tels sont ses leitmotive. «Il est temps de frapper des coups décisifs et, pour cela, il faut agir en masse [...] Il faut chercher l’art d’attaquer toujours l’ennemi où il est faible et avec une supériorité de forces telle que la victoire ne puisse jamais être douteuse.» «Il nous faut une guerre des plus offensives, des plus vigoureuses; c’est tout perdre que de ne pas avancer rapidement, que de ne pas écraser jusqu’au dernier de nos ennemis d’ici à trois mois...»

Mais cette stratégie révolutionnaire, prônant l’offensive et une brutale concentration des efforts (à l’opposé de la doctrine des cordons), se heurte, à l’échelon du théâtre d’opérations français, à un impératif contradictoire: préserver l’inviolabilité du territoire. Carnot est ainsi amené à égrener toutes les armées le long des frontières et à disperser ses forces, si même il échafaude des plans pour tenter de combiner leur action.

Et au simple échelon de l’armée, la dispersion qu’impose l’adoption du principe divisionnaire rend très difficile la concentration en un point donné, au moment choisi. Les généraux de la Révolution s’y exerceront avec des bonheurs divers, en attendant Bonaparte.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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